Au démarrage de notre démarche curatoriale, quatre thématiques nous ont été partagées par le Comité d’Organisation. Il s’agit de la spiritualité, du vodun, de la figure de l’Amazone, de la traite négrière.
Notre approche a consisté à trouver un fil conducteur qui ferait le lien entre ces thèmes pour permettre aux artistes de déployer des propositions artistiques fortes. Nous appuyant sur une solide équipe d’universitaires qui s’est mise en recherche et au terme de plusieurs semaines de travail, nous avons trouvé notre fil d’ariane : le féminisme africain et singulièrement béninois.
En effet, au commencement était « la spiritualité du Bénin » : nous en avons dégagé le masque « Gèlèdé», symbole du pouvoir spirituel de la femme dans notre société ancestrale.
Puis est arrivé le « vodun » religion première de nos ancêtres : nous avons pris la mesure du rôle central de nos mères dans son expression. Elles y sont « déesses, prêtresses et adeptes » : le vodun précurseur et novateur.
La figure de l’amazone nous a renvoyé à la puissance politique des femmes : la mythologie de la création par une reine d’Abomey, Tassi Hangbè, de ce corps d’armée devenu légendaire sur les champs de batailles, bat en brèche tous les clichés d’assignation des femmes à des rôles secondaires ; Enfin, dans nos recherches sur l’histoire de la traite négrière, nous voyons apparaître des silhouettes qui se sont opposées, qui ont protesté, qui ont protégé : des femmes en résistance, des femmes puissantes.
Nous appelons féminisme africain ce rôle majeur et fragile à la fois, que jouent les femmes dans nos sociétés depuis des temps lointains et jusqu’à aujourd’hui, dans notre quotidien contemporain. Le féminisme africain est un passé que les artistes se doivent de restituer, un présent à sublimer, un futur qu’ils contribuent à inventer.
Pour le passé, ils peuvent prendre appui sur la philosophie du « Gèlèdé » comme un récit des origines de notre féminisme*.
Pour le présent, les combats, les luttes, les résistances que mènent nos filles, nos mères et nos femmes dans nos villes, nos foyers, nos entreprises, sont une source d’inspiration. Pour le futur il s’agit de nous surprendre, tant le champ des possibles est immense pour qu’au bout du chemin, le féminisme ne soit plus une catégorie mais devienne ce qu’il doit être : un humanisme universel.
L’art questionne la vérité et l’histoire. Chaque artiste apporte son approche artistique unique en résonance avec la thématique définie. A travers leurs créations, nous ambitionnons de susciter des dialogues, de remettre en question les récits établis et de favoriser une meilleure compréhension du patrimoine culturel du Bénin à l’échelle de la scène artistique internationale.
Nous sommes convaincus que l’hyper-contemporanéité du sujet ouvre des perspectives de discussion infinies sur le féminisme africain et plus spécifiquement du Bénin : le pouvoir domestique, le leadership, le pouvoir politique, le pouvoir de résistance, le pouvoir cultuel… et permet de restituer aux yeux des générations actuelles et à venir, la place des femmes africaines, ces amazones héroïnes du quotidien.
Après la restitution par la France au Bénin des 26 trésors royaux, notre présence à la Biennale d’art contemporain de Venise est la seconde étape d’une vision politique claire et précise de l’art, vecteur de développement durable. La création prochaine du musée d’art contemporain de Cotonou en sera l’apogée.